Les violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, sont un fléau sociétal majeur. Cependant, lorsqu’elles sont commises par des fonctionnaires, les attentes de la société envers ces agents publics, censés incarner la loi et les valeurs républicaines, sont d’autant plus élevées.

Pourtant, de nombreux cas montrent que ces individus bénéficient souvent de protections institutionnelles ou de silences complices, sapant la confiance des citoyens dans l’État et ses représentants.

Fonctionnaires et devoir d’exemplarité

Les fonctionnaires, qu’ils soient policiers, enseignants, magistrats ou agents administratifs, sont soumis à un devoir d’exemplarité. Leur mission consiste non seulement à appliquer la loi mais également à servir d’exemple en matière de comportement. En ce sens, tout manquement à cette éthique, particulièrement dans le cadre des violences faites aux femmes, représente une atteinte grave à leur fonction.

Cependant, l’exemplarité reste parfois un idéal éloigné de la réalité. Plusieurs affaires ont récemment mis en lumière des comportements problématiques de fonctionnaires accusés de violences envers les femmes. Ces affaires sont souvent entachées d’accusations de protectionnisme institutionnel.

La culture de l’impunité

Les cas de violences perpétrées par des fonctionnaires sont souvent étouffés ou minimisés par des mécanismes internes. Quelques points saillants illustrent cette réalité :

1. Couverture institutionnelle : Dans certains corps de métiers, tels que la police ou l’armée, des enquêtes internes sont menées pour des accusations de violences domestiques ou sexuelles. Ces procédures manquent parfois de transparence, et les sanctions restent rares ou symboliques.

2. Le corporatisme : Une solidarité de groupe, surtout dans des métiers très hiérarchisés, tend à protéger les fautifs. Ce corporatisme peut décourager les victimes de porter plainte ou les pousser à se rétracter face à la pression.

3. Failles dans le système judiciaire : Certains fonctionnaires accusés continuent d’occuper des postes de responsabilité ou d’être en contact avec le public, même après des signalements, faute de suspensions immédiates.

4. Protection sociale et hiérarchique : Certains hauts fonctionnaires bénéficient de privilèges liés à leur statut, rendant les sanctions administratives ou judiciaires plus compliquées à appliquer.

 Des exemples récents et marquants

Plusieurs affaires récentes ont attiré l’attention sur ce problème :

Les violences conjugales dans la police : Une étude récente a révélé que 1 agent sur 10 poursuivi pour violences conjugales continue à exercer dans la police nationale. Certains sont même promus, malgré des condamnations ou des enquêtes en cours.

Silence dans l’Éducation nationale : Dans les écoles, plusieurs cas d’enseignants ou de cadres administratifs accusés de harcèlement ou d’agressions sexuelles ont été couverts, les accusés étant simplement déplacés vers d’autres établissements au lieu d’être suspendus.

Justice à deux vitesses : Dans le secteur judiciaire, certains magistrats accusés de violences ou de comportements sexistes continuent de siéger ou d’exercer des fonctions influentes, sans véritable remise en cause.

Municipalités : Certaines communes qui se prévalent pourtant de protéger les citoyens avec tout un une armada de caméra afin de contrer la délinquance (le cas de Mandelieu-la-Napoule)… protègent au sein même de leur mairie des fonctionnaires territoriaux condamnés pour violences sur mineurs et/ou violences conjugales.

 Les conséquences sur les victimes

Lorsque les fonctionnaires bénéficient de protections institutionnelles, cela a des effets dévastateurs sur les victimes :

1. Perte de confiance dans l’État : Les victimes, déjà fragilisées, se sentent trahies par l’institution censée les protéger. Cela peut dissuader d’autres femmes de signaler des violences.

2. Double victimisation : Non seulement les victimes doivent affronter leur agresseur, mais elles doivent aussi se battre contre un système qui protège ces derniers.

3. Climat de peur : Les victimes travaillant dans les mêmes milieux que leurs agresseurs, comme la police ou l’administration publique, peuvent se sentir isolées et en danger si elles dénoncent ces comportements.

Que faire pour y remédier ?

Pour que les fonctionnaires soient réellement exemplaires dans la lutte contre les violences faites aux femmes, plusieurs mesures sont nécessaires :

1. Renforcer les sanctions administratives : Toute accusation crédible devrait automatiquement entraîner une suspension temporaire, en attendant les conclusions d’une enquête indépendante.

2. Créer des mécanismes de signalement indépendants : Les victimes devraient pouvoir se tourner vers des structures autonomes pour déposer des plaintes, sans crainte de représailles internes.

3. Former les fonctionnaires : Une formation obligatoire sur les violences sexistes et sexuelles devrait être instaurée dans tous les corps de métiers publics.

4. Renforcer la transparence : Les résultats des enquêtes administratives devraient être accessibles au public pour garantir que les fautes ne soient pas dissimulées.

5. Exemplarité hiérarchique : Les cadres supérieurs doivent être les premiers à répondre de leurs actes et à promouvoir une culture de responsabilité.


Les violences faites aux femmes par des fonctionnaires sont une trahison du pacte social. Pour restaurer la confiance des citoyens, l’État doit non seulement punir les fautifs avec la plus grande sévérité, mais aussi garantir que ses agents incarnent réellement les valeurs qu’ils sont chargés de défendre.

Seule une tolérance zéro, combinée à une réforme profonde des pratiques institutionnelles, permettra de briser cette culture d’impunité.


Pour approfondir le sujet des violences faites aux femmes par des fonctionnaires et la culture de l’impunité, voici une sélection de ressources pertinentes :

Articles :

  • « La lutte contre les violences faites aux femmes : état des lieux »
    Cet article de Vie Publique offre une analyse des mesures prises en France pour lutter contre les violences faites aux femmes, y compris celles impliquant des agents publics. (Vie Publique)
  • « Les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir : agir contre ce fléau trop longtemps ignoré »
    Publié sur le site du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, cet article aborde les violences perpétrées par des personnes en position d’autorité, notamment des fonctionnaires. (Égalité Femmes Hommes)

Rapports officiels :

  • « Guide de prévention et de traitement des situations de violences et de harcèlement dans la fonction publique »
    Ce guide, disponible sur le portail de la fonction publique, précise le cadre de protection des agents et les moyens d’action en cas de violences ou de harcèlement. (Fonction Publique)
  • « En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une priorité pour la France »
    Ce rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes traite de l’impunité des violences faites aux femmes, y compris dans le contexte institutionnel. (Vie Publique)

Livres :

  • « Le viol comme arme de guerre » par Véronique Nahoum-Grappe et Élisabeth Claverie
    Cet ouvrage explore l’utilisation du viol comme outil de domination et de terreur, y compris par des forces étatiques.
  • « La domination masculine » par Pierre Bourdieu
    Bien que général, ce livre offre une compréhension des mécanismes de domination pouvant conduire à des abus de pouvoir, y compris au sein des institutions.

Podcasts :

  • « Les couilles sur la table »
    Ce podcast de Victoire Tuaillon aborde les questions de masculinité et de pouvoir, offrant des perspectives sur les comportements abusifs dans les institutions.
  • « Un podcast à soi »
    Animé par Charlotte Bienaimé, ce podcast traite des questions de genre et de société, incluant des discussions sur les violences institutionnelles.

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